Le 7 mai dernier, le Palais du Pharo à Marseille a accueilli la 4ᵉ édition du Forum Europe-Afrique, organisé par La Tribune et la Métropole Aix-Marseille-Provence.
Cet événement annuel s’impose désormais comme une scène stratégique de haut niveau, rassemblant décideurs politiques, chefs d’entreprise, représentants d’institutions financières et experts, autour d’un enjeu majeur : refonder la relation entre l’Europe et l’Afrique à l’aune des bouleversements géopolitiques, climatiques et économiques du XXIe siècle.
Avec pour ligne directrice « Innovons ensemble », les organisateurs affichent la conviction que « les deux continents doivent faire preuve d’audace, d’esprit d’innovation et de capacité à inventer un nouveau modèle », la Méditerranée faisant office de trait d’union entre l’Europe et l’Afrique. Le forum a ainsi proposé une journée dense de débats et d’échanges, où se sont entremêlés les thèmes de la souveraineté industrielle, de la transition écologique, de l’inclusion numérique et du co-développement. Le Maroc, invité d’honneur, a occupé une place centrale dans les discussions, symbolisant à la fois l’ancrage africain et l’ouverture méditerranéenne des dynamiques en jeu. L’objectif affiché était clair : poser les bases d’une coopération plus équitable face à la concurrence des autres blocs mondiaux, de la Chine aux États-Unis.
Focus sur LA SESSION « Agenda 2063 : une nouvelle ère pour le bloc Europe-Afrique »
Point d’orgue de l’après-midi, la session intitulée « Agenda 2063 : une nouvelle ère pour le bloc Europe-Afrique » a donné lieu à un échange approfondi sur l’avenir commun des deux continents.
L’Agenda 2063, plan stratégique adopté par l’Union africaine en 2015, définit en effet une vision ambitieuse : faire de l’Afrique une puissance mondiale intégrée, prospère et pacifique d’ici le centenaire des indépendances. Dans le contexte actuel de concurrence géopolitique accrue, ce cadre offre un horizon pour repenser les relations euro-africaines à long terme. Animée par La Tribune Afrique, la table ronde réunissait quatre intervenants de haut niveau : Redouane Bellefqih (Managing Partner chez Deloitte France), Sandra Kassab (Directrice Afrique à l’AFD), François Marchal (Directeur général de Société Générale Maroc) et Ali Seddiki (Directeur général de l’AMDIE). Leurs perspectives complémentaires ont permis de faire ressortir plusieurs axes clés pour inaugurer une « nouvelle ère » Europe-Afrique.
LE MAROC, PONT STRATÉGIQUE VERS L’AFRIQUE
Pays pionnier en Afrique, le Maroc entend jouer un rôle moteur dans la concrétisation de l’Agenda 2063. Ali Seddiki (AMDIE) a mis en avant le positionnement stratégique du Royaume en tant que connecteur entre l’Europe et l’Afrique, fort de ses investissements en Afrique subsaharienne et de sa diplomatie économique proactive. Il a plaidé pour un modèle de croissance inclusif, durable et fondé sur la prospérité partagée entre les deux continents. Le Maroc, a-t-il rappelé, mise sur des investissements durables et une stabilité institutionnelle. La forte délégation marocaine présente au forum – du ministre de l’Investissement au PDG de Tanger Med – illustrait d’ailleurs cette ambition de servir d’accélérateur de partenariat euro-africain. Dans un monde multipolaire, Marseille apparaît comme un pont naturel pour favoriser l’intégration économique euro-africaine.
CO-CONSTRUIRE DES PARTENARIATS ÉQUILIBRÉS.
Sur le plan du financement, Sandra Kassab (AFD) a insisté sur la volonté de constituer une alliance mondiale des banques publiques de développement, capables de mutualiser expertises et ressources pour faire face aux défis communs, en soulignant leur rôle crucial dans la co-construction de partenariats plus équilibrés entre Europe et Afrique. Finie l’époque de l’aide unilatérale : il s’agit désormais de bâtir ensemble des projets profitables aux deux parties, en mobilisant des financements innovants et en partageant les risques. Les institutions comme l’AFD entendent accompagner les priorités africaines (énergie, infrastructures, éducation…) en s’alignant sur les besoins locaux. La clé du succès résiderait dans des montages de projets adaptés aux réalités locales, impliquant étroitement les acteurs africains dès la conception. Cette approche partenariale, basée sur la confiance et le « gagnant-gagnant », semble indispensable pour concrétiser les aspirations de l’Agenda 2063 tout en assurant une répartition équitable des bénéfices du développement.
LE NUMÉRIQUE, LEVIER DE SOUVERAINETÉ ET D’INVESTISSEMENT COMMUN.
La transformation numérique a également été identifiée comme un catalyseur clé. Redouane Bellefqih a insisté sur l’opportunité, pour l’Europe, de contribuer à la souveraineté technologique de l’Afrique, via des investissements conjoints dans les infrastructures numériques (cloud, data centers, cybersécurité), indispensables pour permettre un passage à l’échelle des innovations locales. Développer les compétences numériques et les startups africaines, c’est renforcer la souveraineté technologique du continent tout en ouvrant de nouvelles opportunités de marché pour les Européens. M. Bellefqih a appelé de ses vœux un partenariat industriel et technologique renforcé, estimant essentiel d’intégrer l’Afrique dans les chaînes de valeur mondiales pour concrétiser son potentiel. L’Europe, premier partenaire commercial de l’Afrique aujourd’hui, a tout intérêt à investir aux côtés des Africains dans ces secteurs d’avenir, faute de quoi d’autres puissances occuperont le terrain.
UN CHANGEMENT DE PARADIGME ÉCONOMIQUE
Pour François Marchal (Société Générale Maroc), les relations commerciales Afrique-Europe entrent dans une nouvelle phase qu’il convient d’accompagner pragmatiquement. Le développement des échanges Sud-Sud au sein du continent africain, tout comme l’essor des partenariats Afrique-Asie, rebattent les cartes du jeu économique. Dans ce contexte, l’Europe doit impérativement rompre avec les logiques de duplication des schémas européens sur des marchés africains aux dynamiques spécifiques pour s’orienter vers une logique de partenariat d’égal à égal, centré sur l’investissement productif et l’industrialisation partagée. Les échanges ont plaidé en faveur d’une approche euro-africaine misant sur la promotion des chaînes de valeur régionales créatrices d’emplois sur place, le soutien aux champions locaux et sur une mobilité facilité des entrepreneurs entre les deux rives. En somme, il s’agit d’abandonner les schémas dépassés pour co-inventer des modèles économiques adaptés aux réalités du terrain, gages d’un partenariat réellement mutuellement bénéfique.
Au fil de ces interventions, un fil rouge se dégage nettement : la relation Europe-Afrique arrive à un tournant. Renouveler le narratif, partager la valeur ajoutée, investir dans la jeunesse et la technologie émergent comme des impératifs si l’on veut que l’Agenda 2063 – cette vision de « l’Afrique que nous voulons » – devienne une réalité tangible. Les intervenants du panel ont convergé sur la nécessité d’une approche plus audacieuse et pragmatique de part et d’autre, loin des modèles éculés, pour faire entrer le bloc euro-africain dans une ère nouvelle.
INNOVATION ET PARTENARIATS DURABLES : L’AVENIR EN COMMUN
En conclusion de ce forum, une certitude s’impose : c’est par l’innovation, le développement durable et l’esprit entrepreneurial que le partenariat Europe-Afrique pourra changer d’échelle dans les années à venir. Les réflexions partagées lors de la session Agenda 2063 font écho aux convictions d’EMERGING Valley : l’innovation technologique comme moteur de croissance inclusive, la co-innovation comme principe de coopération, et le soutien aux entrepreneurs émergents comme vecteur de transformation sociétale. L’Europe et l’Afrique semblent prêtes à écrire un nouveau chapitre commun, fondé sur le respect mutuel et des partenariats durables. C’est à travers ce type d’initiatives que se construira, pas à pas, la relation renouvelée et équilibrée qu’appelle de ses vœux l’Agenda 2063. Les décideurs des deux continents en sont ressortis convaincus : le temps est venu d’agir ensemble, avec audace, pour inventer le futur euro-africain.
EMERGING VALLEY, À L’ÉCOUTE DES MUTATIONS DU PARTENARIAT EURO-AFRICAIN
L’équipe d’EMERGING Valley a assisté aux échanges de cette session avec un vif intérêt. Présente au Forum en qualité d’acteur engagé dans la valorisation des écosystèmes d’innovation Afrique-Europe, EMERGING Valley se nourrit de ces discussions pour enrichir sa compréhension des nouveaux équilibres économiques, financiers et technologiques en construction.
Les échanges engagés lors du Forum Europe-Afrique ne s’arrêtent pas aux portes du Pharo. Ils se prolongeront et s’approfondiront à l’occasion de la prochaine édition du Sommet EMERGING Valley, qui se tiendra le 26 novembre 2025 à Marseille. À cette occasion, les thématiques de souveraineté numérique, financements innovants, co-innovation et partenariats territoriaux seront au cœur des discussions entre start-up, bailleurs, institutions, collectivités et entreprises des deux rives.
Dans un monde en pleine mutation, la construction d’un avenir commun entre l’Europe et l’Afrique passe plus que jamais par l’écoute mutuelle, l’expérimentation et la mise en réseau des solutions émergentes. En ce sens, EMERGING Valley se veut un terrain fertile pour faire éclore les partenariats durables qui répondent concrètement aux aspirations exprimées lors de ce Forum.