Vers un avenir digital partagé entre l’Europe et l’Afrique : les enjeux de la souveraineté numérique

Mardi 14 décembre 2021 – 18h45 à 19h35 – Jour 2 – Plénière 7

Panélistes :

Papa AMADOU SARR – République du Sénégal, Ministre, Délégué général à l’Entreprenariat
Rapide des Femmes et des Jeunes


Pawel HANSDORFER – Asseco organizations in Africa, Senior director of international business


Samir ABDELKRIM – EMERGING Valley, Fondateur


Omar CISSE – InTouch SA, CEO


Antoine SEBERA – Rwanda Information Society Authority, Government chief innovation officer


Eva Sow EBION – i4policy, Directrice

Mise en contexte

Depuis les débuts d’EMERGING Valley, le Digital Dialogue vient clôturer le Sommet par un échange au plus haut niveau entre les acteurs qui font la tech internationale. Entre l’essor numérique porté par la crise sanitaire et l’intérêt toujours croissant des GAFAM et BATX pour connecter l’Afrique, le continent devient le théâtre de tous les combats technologiques. Quelle place pour la souveraineté digitale des états ? L’Europe et l’Afrique, confrontées aux mêmes défis, ont aujourd’hui une carte à jouer pour contrebalancer, ensemble, le poids des géants de l’internet.

Le digital et le numérique devraient contribuer à 10 % du PIB du Sénégal en 2025

En ce qui concerne la souveraineté numérique, le Sénégal a fait le choix d’accompagner les startups, les PME, les universités et les incubateurs afin de les aider à accéder au financement, qui constitue le nerf de la guerre.

Le Sénégal a également mis en place, sur son territoire, un data center capable de recevoir toutes les données, notamment celles du gouvernement et des entités publiques et parapubliques. Ces installations n’ont rien à envier à celles qui existent dans d’autres pays. L’État met en place en parallèle une politique volontariste de promotion du numérique et du digital. Un parc de technologies numériques va ainsi voir le jour. Le Sénégal fait le pari que le digital et le numérique contribueront à 10 % du PIB du pays en 2025. Le challenge est très élevé, mais l’État met en place les moyens nécessaires pour y parvenir. Le numérique doit être un atout dans tous les secteurs d’activité, notamment l’élevage, la pêche, les transports… La Covid-19 a accéléré la digitalisation de l’économie.

Le Sénégal a également mis en place, sur son territoire, un data center capable de recevoir toutes les données, notamment celles du gouvernement et des entités publiques et parapubliques. Ces installations n’ont rien à envier à celles qui existent dans d’autres pays. L’État met en place en parallèle une politique volontariste de promotion du numérique et du digital. Un parc de technologies numériques va ainsi voir le jour. Le Sénégal fait le pari que le digital et le numérique contribueront à 10 % du PIB du pays en 2025. Le challenge est très élevé, mais l’État met en place les moyens nécessaires pour y parvenir. Le numérique doit être un atout dans tous les secteurs d’activité, notamment l’élevage, la pêche, les transports… La Covid-19 a accéléré la digitalisation de l’économie.

 

« En 3 ans, nous avons investi un peu plus de 7 Mds FCFA, soit plus de 10 millions d’euros pour accompagner les startups et PME actives dans le domaine du numérique.
Nous avons aussi travaillé avec les acteurs du territoire pour mettre en œuvre un plaidoyer, le Startup Act du Sénégal, dont s’inspirent à présent les autres pays africains. »

 

P. Amadou Sarr

 

La protection des données est une problématique essentielle et quotidienne

InTouch SA a ouvert une filiale dans seize pays et a lancé son activité dans onze autres, et les expériences sont diverses. Ainsi au Maroc, deux années se sont avérées nécessaires pour obtenir uniquement l’autorisation d’exploiter les données personnelles tandis qu’en Afrique de l’Ouest francophone, la démarche suit un processus de déclaration assez simple. Le Nigéria est allé plus loin, en mettant en œuvre une réglementation obligeant certains opérateurs, notamment les services de paiement, à héberger les données au niveau local. Il s’agit d’un grand pas pour améliorer le contrôle des données. Des mesures qui doivent être accompagnées et contrôlées pour ne pas être contournées, mais la régulation est nécessaire.

L’écosystème a la volonté d’avoir des standards et des outils internationaux, et des projets se sont déjà concrétisés, mais cet écosystème reste à construire. L’employabilité des jeunes constitue un défi mais avec les câbles sous-marins, Marseille a tout ce qui est nécessaire pour devenir un hub culturel.

Or aujourd’hui, les hébergeurs de données présents en Afrique ne sont pas aussi solides que les géants internationaux.

« Pour les startups, la qualité de service fournie aux clients est cruciale, et la réglementation doit protéger les données, mais pas au détriment de la qualité du service. »

O. Cissé

 

Il est crucial, pour tous les pays, d’avoir une souveraineté numérique et des projets pour respecter un programme de développement et allouer les investissements de manière judicieuse. Pour les pays du continent, cela implique d’abord d’augmenter leurs capacités afin d’être compétitifs à une plus grande échelle, pour faire face aux grands acteurs de l’économie numérique.

Être concurrentiel passe ainsi par des solutions innovantes plutôt que d’essayer de conquérir des parts de marché au sein d’économies déjà saturées. Des initiatives sont possibles pour créer des réseaux sociaux en propre et il existe des modèles de succès dans le domaine de la Fintech, des paiements via mobiles ou encore de la livraison de poches de sang par drones ou l’usage de l’intelligence artificielle. Autant d’initiatives qui sont nées au Rwanda.

Il est crucial, pour tous les pays, de disposer d’une souveraineté numérique

Sur le plan stratégique, le Rwanda souhaite se positionner en prenant appui sur son contexte local, et se promouvoir aussi en tant que destination. Collaborer avec des entreprises innovantes, y compris via des solutions pilotes dans un univers très propice, avant de déployer ces solutions sur des marchés plus vastes. Un programme ambitieux au regard de la taille du pays. Cela ne signifie pas que la formule soit universelle et qu’elle puisse marcher pour tout le monde. Il convient avant tout de mettre en œuvre des solutions nationales, de renforcer les capacités et de s’assurer que les instruments en place assurent la protection des citoyens. L’objectif est de pouvoir faire appel à un grand pool de talents et de créer un écosystème innovant, solide pour les startups, ainsi que des synergies avec le reste du continent.

« Nous n’allons pas réinventer ce que d’autres ont déjà fait : ils sont déjà trop avancés
pour que nous parvenions à leur niveau. Nous devons exploiter nos atouts
pour mettre en œuvre l’innovation. »

A. Sebera

 

Nous travaillons avec les acteurs territoriaux et les états pour répondre aux défis locaux

Il y a trente ans, Asseco était une toute petite startup. Au fil du temps, elle est devenue l’une des plus grandes entreprises d’Europe centrale et de l’Est. La société s’est interrogée sur la façon dont elle pouvait s’étendre, et où. En concurrence avec d’autres pays comme la France, les États-Unis ou l’Inde, elle s’est finalement focalisée sur le marché africain à compter de 2015. Elle est aujourd’hui présente dans plusieurs pays, avec un beau succès.

Asseco se développe localement et paye ses impôts localement, dans une approche différente des grandes sociétés américaines. À compter de 2017, l’entreprise a livré des systèmes informatiques aux sociétés d’électricité, et notamment travaillé avec les éthiopiens sur la manière de développer le système et de le personnaliser, ce qui a constitué un grand succès, leur permettant d’être indépendants. La protection des données est un élément fondamental. Il convient également de veiller à ce que les compétences restent dans le pays. Chaque pays a une histoire différente.

« Nous travaillons avec les acteurs territoriaux et les États pour répondre aux défis locaux. Le renforcement des capacités est fondamental. »

P. Hansdorfer

 

La connectivité peut poser les bases d’un entrepreneuriat plein d’opportunités

La première problématique consiste à accroître la connectivité. Au-delà des zones urbaines, certaines zones rurales rencontrent des difficultés à accéder à cette connectivité, aux usages, aux services et à l’information numérique. Or, cette connectivité peut poser les bases d’un entrepreneuriat plein d’opportunités. Il existe actuellement un besoin d’éducation en termes de compétences numériques.

En Afrique, l’activité entrepreneuriale est très élevée, portée notamment par les jeunes et les défis sont nombreux. Les États doivent pouvoir y répondre pour accompagner la croissance des entreprises et permettre l’émergence de licornes. La stratégie à mener pour cela se traduit par trois grands axes : mettre en place un cadre de renforcement de capacités, en s’appuyant sur l’écosystème existant, les entrepreneurs expérimentés jouant un rôle de mentor ; développer un financement adapté, notamment pour les offres de pré-développement ; faire évoluer le cadre réglementaire, fondamental. Les gouvernements de certains pays africains, comme le Rwanda ou le Nigéria, ont compris la nécessité de mettre en œuvre un processus de co-création pour identifier ce cadre réglementaire. Il est également important de faire grandir les usagers des technologies.

« Le Sénégal perçoit l’économie numérique comme un levier pour générer 10 % de son PIB d’ici 2025, et la 4G a déjà permis ailleurs sur le continent d’accélérer l’accès aux services pour les populations, comme c’est le cas au Rwanda ou au Kenya »

 

E.S. Ebion

 

CAP SUR LE SOMMET EUROPE-AFRIQUE : QUELLES PISTES D’ACTIONS ?

Le premier axe devant être porté par le Sommet Europe-Afrique vise à rééquilibrer le dialogue. La collaboration doit avoir davantage pour objectif de favoriser le développement des savoir-faire au niveau des pays africains. La pandémie offre un cas d’école illustratif, avec le vaccin et sa production, qui commence à peine à être localisée en Afrique. Au-delà des gouvernements, des partenariats doivent être conclus avec les GAFAM et les universités pour favoriser le partage des savoirs.

Omar CISSE
« Dans certains secteurs, il existe toujours un décalage dans les échanges entre l’Europe et l’Afrique. Cela ne me semble pas vrai dans le secteur du digital, qui bénéficie davantage d’une coopération entre les deux continents. »

Eva Sow EBION
« Le dialogue est essentiel. Il est essentiel que toutes les parties prenantes, africaines comme européennes, se retrouvent autour de la table pour identifier des challenges communs et définir ainsi un agenda commun. Ainsi, lors de la cocréation du manifeste des politiques d’innovation en Afrique, portée auprès de 200 hubs dans 45 pays du continent, nous sommes parvenus à influencer des documents de politiques continentaux, mais aussi un groupe de travail entre l’Union africaine et l’Union européenne sur la stratégie numérique. Aujourd’hui, un modèle décentralisé permet aux entreprises et aux hubs de s’engager autour de la définition des stratégies, par le biais des plateformes de dialogue. Nous devons aussi favoriser le co-développement de projets, à partir des priorités définies par les gouvernements, en prenant en compte l’écosystème entrepreneurial. »

Antoine SEBERA
« La technologie a beaucoup à offrir à la table des négociations, notamment avec la pandémie de Covid-19. Nous avons pu constater que l’informatique et l’écologie nous ont beaucoup apporté, accélérant la vaccination et garantissant la fourniture de services essentiels. La technologie est un allié important pour faire face aux défis d’aujourd’hui comme le changement climatique, la croissance démographique, la transition énergétique, le vieillissement de la population, les perturbations du marché et la lutte contre le cybercrime. Nous devons donc envoyer des messages clefs : la transformation numérique doit être au centre de nos politiques. Nous devons reconstruire et reconstruire mieux, en tenant compte des leçons apprises de la pandémie. Nous devons augmenter le nombre de professionnels de santé, rendre nos villes plus connectées. L’espace numérique doit être plus inclusif. »

Papa AMADOU SARR
« Dans le cadre des discussions du sommet Europe-Afrique, l’accent sera mis sur la jeunesse. Qui dit jeunesse dit digital, transformation numérique globale. Le chef de l’État sénégalais mettra en exergue l’apport de ces nouvelles technologies pour améliorer les conditions de vie et de travail des habitants. L’accent sera aussi mis sur la formation pour favoriser l’accès aux technologies et renforcer la souveraineté numérique. Le partenariat entre l’Europe et l’Afrique devrait mobiliser des ressources importantes pour permettre à l’Afrique de réduire l’écart qui existe entre les deux continents. Les autorités africaines et européennes travaillent au sein de groupes thématiques pour apporter des solutions concrètes aux chefs d’État. L’accès des africains aux données est essentiel. Des partenariats devront être constitués avec les GAFAM pour renforcer la connectivité. Les universités africaines et européennes doivent aussi travailler de concert pour renforcer la circulation du savoir et des technologies. Enfin, l’accès à des financements de qualité pour promouvoir l’entrepreneuriat des femmes et des jeunes est un axe majeur. »

 

Synthèse

La souveraineté numérique est essentielle, et chaque pays doit développer sa propre stratégie nationale, capitalisant sur ses forces et accompagnant le développement local des compétences. Un élément clé de cette souveraineté sera la protection des données, qui demeure un chantier majeur et gagnerait à être abordé sous une vision panafricaine, qui préserve la qualité de service. Trois recommandations centrales émergent du dialogue de nos experts : accroître la connectivité, développer le renforcement des capacités locales et mettre en place un cadre réglementaire et financier qui place les entrepreneurs au centre.

à retenir

InTouch SA a ouvert une filiale dans seize pays et a lancé son activité dans onze autres : partout la problématique de protection des données est prise en compte, mais selon des processus qui diffèrent beaucoup selon les Etats.
Le gouvernement rwandais adopte une stratégie de compétitivité liée à l’innovation, plutôt que d’essayer de conquérir des parts de marché au sein d’économies déjà saturées. Il se positionne ainsi sur le mobile money, la Fintech ou encore l’Intelligence artificielle.
Petite startup il y a trente ans, Asseco s’est focalisée sur le marché africain à compter de 2015, où elle est aujourd’hui présente dans plusieurs pays dont l’Ethiopie, avec de beaux succès.
Le gouvernement sénégalais a investi 7 Mds FCFA, soit plus de 10 millions d’euros en 3 ans pour accompagner les startups, PME, universités et incubateurs afin de les aider à accéder au financement.

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